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Convivialité, esprit d'entraide, et création d'un lien social entre tous les plaisanciers qui fréquentent le port de Vannes

lundi 17 janvier 2022

Mémoires d’un mousse : des Canaries au Cap Vert, une belle traversée.

Voici un deuxième récit de la traversée: après Daniel, c'est Jean-Louis qui nous livre son expérience...


Un claquement sec sur le flanc babord. La vague soulève la croupe d’Olyan, bascule le bateau et le projette violemment sur tribord. De toute sa masse, la coque écrase l’eau dans un grondement d’écume ; Olyan lofe, accélère, puis se redresse. Le pilote a remis le bateau sur sa route et déjà une nouvelle vague l’assaille.


Etendu en travers de la couchette double, les deux pieds calés contre le bordé, chahuté par les mouvements désordonnés du bateau, je perçois dans un demi-sommeil la cacophonie de bruits qui s’entremêlent sans harmonie : le tintement de quelques verres mal calés dans un équipet, le grincement des cloisons gémissant à chaque torsion de la coque, la gifle de l’écoute de génois qui résonne contre le roof lorsque la voile, déventée par le roulis, se gonfle à nouveau, et, bien sûr, le vigoureux chuintement de l’eau sur le bordé, parfois ponctué d’un choc bref assené par une vague plus entreprenante que les autres.

Malmené par le roulis, je m’interroge sur les motifs qui poussent le plaisancier à supporter l’inconfort de la navigation à la voile.
Est-ce l’attrait magique de cet océan sans limite où ciel et mer se confondent parfois, ou bien l’envie, à la manière des grands explorateurs, de découvrir des terres qui lui sont inconnues ?
Est-ce le désir orgueilleux de défier des forces tellement plus puissantes que lui, ou seulement le plaisir de pouvoir se déplacer à la seule force du vent ?
Ou bien, un élan poétique qui l’invite à contempler sans lassitude le mouvement des vagues, le ballet des oiseaux et le ciel soupoudré d’étoiles ou chargé de nuages ?
Ou encore, un désir insurmontable de liberté ? Ou peut-être, une fuite vers un nulle part toujours plus lointain ?
Mon interrogation reste sans réponse, je sombre dans le sommeil, convaincu que naviguer à la voile relève sûrement de l’addiction.

Un mouvement violent du bateau me sort de ma torpeur. Le jour est levé, notre deuxième nuit depuis le départ de Gran Tarajal s’achève. La mer très creuse, courte et hachée nous malmène, le vent froid souffle sans répit, nous gratifiant de pointes vigoureuses atteignant trente-cinq nœuds, Notre traversée vers l’archipel du Cap Vert doit durer une semaine et, fort heureusement, les jours qui suivent vont être plus cléments.
Graduellement, vent et mer s’assagissent, les températures de l’air et de l’eau croissent, la vie à bord devient plaisante.
Brigitte qui, depuis le départ, lutte courageusement contre un mal de mer tenace, s’active de plus en plus souvent à l’intérieur du bateau.

Malgré nos piètres résultats, je reste assidu à la pêche et puisque le temps le permet, je me lance dans de nouvelles tentatives, remontant régulièrement la ligne pour vérifier son bon ordre de marche et changer de leurre afin de tester le meilleur appât.Le moulinet crépite soudain, le fil se déroule à vive allure.
Je rembobine rapidement, sans à coup, m’interrompant de courts instants. La canne à pêche ploie sans excès. Après quelques minutes, peut-être dix, nous voyons apparaître la prise : une dorade coryphène.
Bruno la remonte à bord avec le croc et, sans attendre, Daniel la prépare pour la cuisiner plus tard ; il nous la proposera en ragoût, cuit dans le citron vert et le lait de coco : un délice.

Mais, en matière de pêche, une surprise encore plus belle nous attend. Dans l’après-midi du lendemain , alors que Bruno et moi nous reposons en prévision des quarts de nuit, Brigitte nous réveille : « ça a mordu, ça doit être un gros, un très gros ! ».
Daniel est à l’œuvre, il mouline avec difficulté, la canne ploie dangereusement , l’excitation est à son comble.
La lutte nous paraît interminable, les soubresauts sont violents. Loin derrière le bateau, apparaît une gerbe d’écume.
A la force du moulinet, la prise approche ; il s’agit d’un thazard de belle taille. Ramené par Daniel contre le tableau arrière du bateau, Bruno le hisse à bord à l’aide du croc. Le poisson fait un mètre trente de longueur et pèse plus de 30 kgs.
Nous le dégusterons revenu à la poêle, grillé à la plancha, cuit au court bouillon ou encore en rillettes.

Nous avions quitté Fuerteventura le 10 décembre dans l’après-midi et le 17 nous découvrons les îles de Santo Anteo et Sao Vicente au relief tout aussi tourmenté que celui des Canaries.
Nous accostons en début d’après-midi dans la marina de Mindelo et apprécions aussitôt le sourire et la gentillesse des Capverdiens.

Jean-Louis.

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